Pablo, je te connais depuis sept ans maintenant. Et depuis sept ans tu déranges tellement ma vie personnelle que j’ai envie aujourd’hui de te dire publiquement tes quatre vérités.
Tu te dis mon ami, et tu ne m’écoutes même pas quand j’affirme que tu devrais être ingénieur chez Moulinex ou chef éclairagiste aux Folies Bergères. Au contraire, tu t’entêtes à modeler et à mettre en lumières des petits personnages étranges et à les faire tournicoter comme si la pesanteur n’existait pas - la réalité n’est-elle pas plus séduisante que des manèges imaginaires ?
Pablo, je te le dis, tu es un imposteur. De Tinguely tu as pris le mouvement, de Calder tu as pris la grâce, de Miro tu as pris le jaune, le bleu, le noir et le rouge, et de Picasso tu as pris le prénom et la sûreté du trait. Comme Guignol ou comme Charlot tu fais rire et pleurer les enfants et les adultes avec tes petits saltimbanques de Comedia dell’Arte. Est-ce que par hasard tu te prendrais pour le Balzac de la rue Quincampoix qui aurait la prétention de réécrire la Comédie Humaine avec de la résine et des bouts de ferraille ?
Pablo, tu es un manipulateur. Comme le petit joueur de flûteau de la fable, tu as commencé par troubler les quelques passants de ta rue, puis tu as charmé les gens du quartier. Et puis ceux de Paris. Et voilà qu’on ne compte déjà plus les malheureux Suisses, Hollandais, Allemands, Espagnols, Brésiliens et même Japonais qui se sentent tous les jours ensorcelés par le petit morceau de toi qu’ils ont emporté et qui joue ta musique à l’intérieur d’eux-mêmes. Ils sont si perturbés, les pauves, qu’ils en redemandent.
Pablo, sous des dehors innocents et même modestes, tu es un empêcheur de penser en rond, un destructeur de repères confortables, un épaississeur de mystères. Au lieu de faire simplement du dessin, de la peinture ou de la sculpture, tu t’acharnes à tout mélanger et à diffuser de la tendresse et de la générosité - curieux mélange des genres !
Pablo, j’étais très bien avant de te connaître. Comme un vulgaire dealer tu m’as rendu accro à ta poésie en me faisant croire que je serai meilleur après.
Tourdjman Georges
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